Rock'n'folk

Fanfan : Masto, sa hantise, c'étaient les curés (rires).  Il y avait un certain exhibitionnisme des Bérus.  On faisait beaucoup de photos.  Un après-midi, on s'est maquillé et on est allé défier une manifestation intégriste qui quittait Notre-Dame de Paris pour rallier Chartres.  On a tenu un quart d'heure au milieu des grenouilles de bénitier, grimés en extraterrestres.  Les réactions ont été fluides au départ, puis extrêmement saccadées.

Aller embêter les intégristes, activité louable en soit, c'était dans votre rôle de groupe rock ?
Fanfan - Nan, c'était une manif extra bérurière.  On a fait deux ou trois trucs comme ça, performances, délires, explosions de poulets.  C'était moins musical, plus en rapport avec notre implantation dans les Facs d'Art Plastique...

Le rapport avec votre public ?
Fanfan : Plus ça allait, plus ils étaient comme nous.  Ils venaient déguisés, pire que des, drag-queens, on serait vraiment à la mode aujourd'hui... Puis ils apportaient tous leurs sifflets pour la version live du "Renard" ce fameux renard violeur de riches poursuivi par les Milichiens... A la fin d'un concert à Lyon en 88, un mec super bourré nous a donné une énorme coupe de métal argenté, genre vainqueur de la coupe du
monde, je l'ai toujours chez moi.

Qu'avez-vous ressenti  en écoutant ces cassettes historiques pour en sortir le "Carnaval Des Agités" ?
Fanfan : Sur une centaine de cassettes, les meilleures sont celles de 88.  A l'époque, c'est Lulu l'éclairagiste qui les enregistrait sur la table de mixage.  En fait, 1'idée de sortir ce live court comme ça depuis trois ans... Sinon il y a eu un souvenir formidable, la tournée au Québec, 88 encore. Là-bas, les Bérus ont provoqué une espèce de révolution.  On a joué deux fois au Spectrum, un méga Olympia québécois. C'était un truc énorme qui provoquait une effervescence révolutionnaire.  Tu avais tous ces mecs dans la salle avec des drapeaux du  Québec Libre, ils faisaient la nique aux Anglais, on servait de piédestal à un tas de choses.

Mille Raisons

Que reste-t-il aujourd'hui de l'Affaire Bérus ?  Bon sang, je me mets à la place du lycéen de moins de quinze ans qui va lire ça et...
Fanfan : il reste le souvenir d'une fête. D'un Troupeau, qui a bien déliré dans tous les sens, sur toutes les routes.

Pourquoi avez-vous arrêté ?
Fanfan: Mille raisons.  Cinq cent bonnes, cinq cent mauvaises.  Une grosse pression sur le groupe, une série d'emmerdes.  Les Renseignements Généraux, qui nous suivaient à la trace, alertaient les flics dans les villes où on arrivait, une campagne de la presse Hersant nous assimilant à un groupe extrémiste genre Action Directe.  On s'est retrouvés dans des situations ubuesques.  Comme ces keupons qui venaient nous féliciter "Ouaip, super, vous soutenez Black War", alors qu'on n'avait strictement rien à voir avec ça... Eux pensaient que le fric des concerts servait à acheter du plastic...
Masto : Et puis, tu sais... il y a deux sortes de groupes.  Ceux qui évoluent, ceux qui évoluent pas.  Nous on faisait définitivement partie de la seconde catégorie.  Au bout d'un certain temps, ça devient triste, un groupe qui n'évolue pas... Pour moi c'était ça le fond du problème.
Fanfan : Et puis au début il y avait une magie, une inconscience, on transmettait le feu.  Au bout d'un moment on s'est mis à tourner en rond.  Regarde, on a tenu un septennat avec une boîte à rythmes qui avait dix rythmes seulement..
Masto : En janvier 89 on décide d'arrêter, mais de bien arrêter.  Et on a fait une grande tournée pour dire au revoir à tout le monde, voilà.  L'apogée c'était les Bérus à l'Olympia le 10 novembre.

La plupart des groupes arrêtent à cause de plans cul ou de plans dope pas clairs... Et vous ?
Masto
: Ben pas nous (rire général).  Fanfan était d'une intransigeance maladive... Fanfan: Moi je me souviens, au Québec, on m'a apporté un plateau plein de lignes de poudre... C'était quoi ? De la coke, voilà, ça devait être de la coke ! J'ai tout envoyé valdinguer. Ça va pas, non ? Non, là dessus on a été à la limite de l'intolérance.  Masto : Fanfan c'était le Chef.  Le Chef, il avait sa place dans le camion, assis devant.  Le Chef, après le concert, il avait sa petite banane marquée " Banane du Chef "...
Fanfan : A la fin, j'ai voulu arrêter, il y avait plus de respect (crise de rire).


 

AVANT - APRES